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Alain TAHET

 

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(par lui-même)

 

Je suis originaire de la région Nantaise. Mes arrière-grands-parents, grands-parents et parents habitaient Couëron, petit village tout près de l’embouchure de la Loire à l’ouest de Nantes. Puis, mon père s’est installé à Saint-Herblain, ma mère restant à Couëron. Dès mon plus jeune âge, je suis attiré par la littérature et par le sport, ce qui n’est pas incompatible. J’ai commencé le vélo de manière sportive dès l’âge de onze ans. Très assidu, je suivais les cours de l’école du cyclisme pendant quelques années avant de  me frotter à la compétition dans les catégories jeunes.

 

 

J’opte, à dix-huit ans, pour une carrière militaire dans la Gendarmerie Nationale, sans jamais renoncer à mes premières passions. 

Mes affectations successives m’amènent une première fois à La Rochelle en 1980, à Cherbourg pendant quatre années, puis à Versailles-Satory à l’Escadron Parachutiste d’Intervention de la Gendarmerie Nationale. Pendant quinze années, je participe à des missions d’intervention, de protection rapprochée de hautes personnalités et de renseignement judiciaire. Cet engagement me permet de voyager pour des missions ponctuelles : Algérie, Afrique subsaharienne, Océanie, Haïti. 

Je termine ma carrière à La Rochelle en Brigade de recherches, ce qui me donne l’occasion de participer à de belles enquêtes judiciaires dont la plus retentissante est la résolution du meurtre d’une jeune fille, en plein mois d’août sur l’île de Ré. 

Je décide de quitter prématurément la Gendarmerie pour devenir détective privé pendant dix ans à La Rochelle. Je n’ai jamais cessé, pendant toutes ces années, de cultiver soigneusement mes deux autres passions : l’écriture et le vélo.

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Mes tiroirs sont encombrés de dizaines de textes plus ou moins longs et aboutis. Depuis ma prime jeunesse, j’ai ressenti le besoin de mettre par écrit mes sensations et expériences vécues ici ou là, à l’occasion de quelques voyages ou enquêtes judiciaires. Certains de ces écrits sont nés au cours de longs périples effectués à bicyclette, exercice propice à la réflexion.

J’ai parcouru ainsi plusieurs dizaines (centaines ?) de milliers de kilomètres en France, au gré de mes affectations, en Espagne et ailleurs, effectuant par exemple deux Paris-Nice cyclosportifs en passant par la Suisse en 2004 ou par l’Italie en 2006.

J’habite Dompierre-sur-Mer en Charente-Maritime.

LA CARESSE ACERBE DE L'INDIGENCE

Après l’échec de ses études de médecine, Ambre retourne chez ses parents. Elle renoue avec Romain et Jenny, des camarades de jeunesse, avec qui elle fréquente le petit bar local. Tout en se confrontant à la réalité des emplois chichement rémunérés, elle tombe sous le charme d’un homme solitaire.

Nicolas Dupin l’entraînera alors dans une autre réalité, bien plus rémunératrice, mais sombre et dangereuse.

« La caresse acerbe de l’indigence » dépeint un quotidien morose dans un paysage mondialisé où les richesses n’ont jamais été aussi visibles et affichées sans complexes. Les deux personnages principaux, à l’instar d’un Bonnie and Clyde à la Française, vivront une aventure furieuse, le tout relaté avec un humour grinçant et caustique.

Pour terrain de jeu, notre bonne vieille France. Pour cadre, l’ambiance délétère de notre époque. Pour final, une explosion d’émotions à couper le souffle !

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CHAPITRE 1

Quelque part en France – XXIe siècle.

Ces années-là, les incessants progrès technologiques furent pour la première fois confrontés à l’épuisement des ressources naturelles.
Les injustices et les violences, les humiliations et les tracasseries envers les personnes précaires de toutes conditions trouvèrent en ces circonstances un regain d’intensité.
Alors que des centaines de milliers d’êtres humains entamaient des migrations périlleuses, certains disparaissaient dans les eaux chaudes de la Méditerranée ou gelées de la Manche, quelques milliardaires délaissaient la construction d’abris antiatomiques pour tester la fuite dans l’espace, vers d’autres planètes à dépecer.

***Malfrat

La jeune femme est assise face à une autre personne du même sexe, plus âgée, installée derrière un bureau au design très moderne. Le meuble, d'une sobriété aussi glaciale que la pièce aux larges baies vitrées et armatures métalliques, contraste singulièrement avec son occupante, toute en couleurs et colifichets clinquants.
— Vous savez que nous recherchons une collaboratrice jeune, capable de s’adapter et de se former dans un secteur hautement concurrentiel. Vous semblez avoir un profil intéressant, car je vois que vous avez obtenu un bac scientifique et suivi quelques années de fac. Néanmoins, dans le domaine des nouvelles technologies, nous aimons les gens passionnés qui ne gèrent pas leur temps comme des cheminots. Qu’en pensez-vous ?
— Je suis effectivement extrêmement motivée pour un emploi et prête à tous les sacrifices sur ma vie privée, à me lancer sur toutes les formations, à me donner corps et âme à mon employeur. J’habite dans un petit village pas très loin et je peux me déplacer. Je n’ai pas de contraintes familiales. Je suis incontestablement prête à défendre les valeurs de votre groupe.
— Doucement, doucement. Quelle énergie, du calme ! Vous répondez aux questions que je n’ai pas encore posées. Bien. Nous cherchons un jeune homme ou alors, tant pis, une femme disponible. Nous sommes parfois sujets à des périodes de forte intensité, il n’est pas rare que nous demandions à nos collaborateurs de rester deux ou trois jours sur le pont. En effet, le consommateur est indiscipliné, ce qui provoque des flux importants de commandes à mettre en place, tout le monde veut être servi en même temps. Tant mieux si vous faites preuve d’assiduité. Bien que ce ne soit pas votre cursus, maîtrisez-vous l’informatique, internet et les logiciels professionnels ?
— Absolument.
— De toute façon, une période de formation est prévue. Elle sera courte, mais vous sortez tout juste des études, il ne devrait pas y avoir de problème.
— Absolument.
— Vous avez des enfants ? Du moins un enfant, vu votre âge, je ne pense pas à la famille nombreuse, ah, ah, ah, mais enfin on n’sait jamais, vous savez, j’en vois tellement, des familles monoparentales comme on dit, ça évite de dire des mères célibataires…
— Absolument.
— Vo
us êtes en train de « bugger  » ?
— Abso… Je n’ai pas d’enfant, pas de grands-parents ; mes parents sont assez jeunes, pas en état de dépendance ; pas d’animaux.
— Je vois, votre lettre de motivation est bien rédigée, on sent quand même les grandes déterminations un peu fourre-tout, mais c’est vrai que maintenant on trouve tout facilement sur le Web, il n’y a qu’à recopier en adaptant. Ça manque d’originalité à mon sens quand même. Pas de problème avec la Justice ?
— Vous avez l’extrait de casier judiciaire dans le dossier. Il est vierge.
— J’espère bien. Mais quand même, pas de petits problèmes qui, sans être inscrits officiellement dans un casier, vous encombreraient la conscience ? Vous savez, on finit par apprendre les choses, alors autant me les révéler de suite, comme ça la confiance ne sera jamais altérée… Science sans conscience n’est que ruine de l’âme… euh, enfin… vous comprenez…
— Absolument. J’ai volé des friandises à ma cousine quand j’avais quatre ans.
—… Des addictions ?
— Je ne fume pas, je ne bois pas, je ne couche pas.
— Ah, ah, ah, je ne vous en demande pas tant. Vous êtes encartée dans une association, un parti politique ? Ici, pas de syndicat, ce n’est pas le genre de la maison, nous sommes en open space et tout se règle entre nous.
— Non, aucune appartenance.
— Bon, bon… Votre identité… Mérey, Ambre Mérey ? Mérey, vous avez des origines sociales ou ethniques ?
— Pardon ?
— Je veux dire, communistes ou espagnoles, Mérey, Sanchey, Rodrigey ?
— Pffff… excusez-moi, je rigole, je ne devrais pas, mais c’est plus fort que moi... De la même manière qu’un Algérien n’est pas forcément musulman, un Espagnol n’est pas obligatoirement communiste. D’où vous tenez ça, d’ailleurs ? Espagnol communiste ? En plus, maintenant, c’est même carrément le contraire. Enfin, de toute façon, rassurez-vous, rien de tout ça chez moi… J’aime le cochon !
— Je vois, ici on est sérieux. J’ai l’impression que vous êtes frivole. Parlez-moi de vos distractions.
— Je vais au cinéma, j’écoute de la musique, je lis… Ah oui, je fais beaucoup d’informatique, j’adore ça… les logiciels…
— Mmmmouais… N’vous foutez pas trop de moi quand même.
— Non, non, je…
— Dites-moi, je ne vois pas la copie de votre Brevet d’études du premier cycle ni l’attestation B2i dans le dossier que vous nous avez adressé la semaine dernière ?
— L’attestation B2i ?
— Oui, le certificat d’initiation à l’informatique que vous avez dû passer lorsque vous étiez collégienne. C’était obligatoire, moins maintenant…
— Et ?
— Vous l’avez ou vous ne l’avez pas ?
— Je n’l’ai pas… Mais, enfin, c’est comme si vous me demandiez si je sais lire et écrire, pardonnez-moi, mais…
— Je vois, et le Brevet des collèges ?
— Mais… j’ai un bac scientifique, mention bien…
— Bon, passons. Votre dossier est incomplet. Vous vous habillez toujours comme aujourd’hui ?
— Pardon ? Euh, pantalon et sweat, vous trouvez ça provocant ?
— Non, c’est vrai qu’on n’aime pas les vamps décolletées et talons aiguilles, mais pas non plus le genre rabougri. C’est pour ça, un homme...

La DRH, cinquantaine flamboyante, chaussée de lunettes assorties au stylo-plume, boucles d’oreilles style anneaux dorés à l’espagnole et bracelets « Georgette » interchangeables, fait une pause. Elle adopte une mine courroucée tout en dodelinant mollement de la tête, soucieuse et pomponnée, sous l’enveloppe peroxydée d’une chevelure étudiée mèche après mèche. Madame Burlescque Claude, comme indiqué sur le petit cuivre rectangulaire à l’avant de son bureau, empeste le « chalimardeguerlain ». Elle sent l’adversaire déstabilisée. Car un candidat est toujours un incompétent en devenir, qu’il s’agit de démasquer. Celui-ci, qui est une femme, alors qu’elle préfère les hommes, va très bientôt commettre ses premières erreurs. Cette constatation réjouit la cadre, elle pourra aussi sec porter l’estocade. La formule lapidaire : « On vous rappelle », « On vous écrira », « On vous contacte » glissera suavement entre deux bridges quelle cherche à masquer avec sa langue quand elle n’énonce pas des adages à côté de la plaque.

Selon l’inspiration du moment.

Originaire du nord de la France, Claude Burlescque aurait préféré un nom moins clivant, Desquesne ou Declercq, ça lui aurait épargné quelques approches lourdingues de la part de ses collègues. Élevée dans un climat lourd et pesant de sempiternelles références aux corons et aux joies incroyables de s’enterrer sous terre depuis des générations, elle est obsédée par la souffrance au travail. Son éducation a été entièrement inspirée par la gloire des mineurs de fond. Même si elle ne les a pas connus, ses aïeux sont tous morts dans des souffrances intolérables, au charbon. Son père s’est barré avec une postière, non sans lui avoir seriné pendant des années l’immense responsabilité d’appartenir à la grande confédération des travailleurs.

Il ne peut y avoir d’activité rémunérée sans en avoir bavé des ronds de chapeaux.

La cinquantenaire en veut à son père, aux hommes, aux femmes et à tous ceux qui envisagent de travailler dans son entreprise alors qu’ils ne sont que des feignants. Burlescque remonte sur scène :
— Vous habitez où ?
— Brion-sur-Brionne, chez mes parents.
— Encore chez papa-maman, vous êtes une petite « Tanguite » !
— Pour accéder au logement, faut un C.D.I., (Ambre, pour la première fois, a la voix qui tremblote), une valise de documents aussi, certificat de ceci, certificat de cela, des garants…
— Il est maintenant de fait que vous n’êtes pas spécialement douée, ou à votre affaire, en ce qui concerne la constitution d’un dossier impeccable.

Elle est bientôt cuite, se dit Burlescque ; sa langue chemine le long de la gencive supérieure, derrière la lèvre, ce qui donne l’effet d’une créature qui ondule froidement dans la cavité buccale.

« Sorcière », pense Ambre.

— Pourquoi avez-vous arrêté vos études de médecine ?
— Fallait que je recommence une troisième fois la première année ; je n’ai pas les moyens d’aller en Roumanie. Ou en Belgique.
— En Roumanie ?
— Vous ne regardez pas les enquêtes télé ? Dans ces pays-là, y’a moyen de faire des études de médecine moins prise de tête que chez nous. Au final, il y a des médecins qui ont moins le melon, mais qui sont tout à fait capables d’exercer dans de bonnes conditions.
— Vous auriez pu vous faire aider par vos parents ? Un emprunt ?
— J’en ai déjà un !
— Oui, mais faut savoir ce que l’on veut. Moi, si j’avais pu en faire un… Ça ne se faisait pas à l’époque, maintenant on peut emprunter n’importe comment. Dites-moi… vous avez renoncé un peu vite, non ? J’espère que ce ne sera pas la même chose dans votre travail ? Non ?
— Oui. Mais non.
— Oui. Mais non ? Je ne comprends pas !
— Votre boulot, je vais réfléchir…
— Comment ça ? Réfléchir ? C’est moi. C’est à moi de réfléchir, qu’est-ce qui vous prend ?
— Oui, mais ça clôt le débat, j’ai arrêté mes études de médecine, j’ai arrêté, point. On ne va pas en faire unMalfrat 4 fromage. J’n’en veux pas de votre boulot. Vous êtes là en train de me cuisiner, c’est bon, j’ai ma dose. Vous en trouverez d’autres, des candidats, c’n’est pas ce qui manque. Prêts à s’aplatir pour votre job de merde. Au revoir Madame Clownesque !
— Burlescque, Madame Burlescque !

Claude Burlescque affiche le regard mauvais de ceux qui s’apprêtent au triomphe après la mise à mort légale, une fois l’assentiment recueilli sous forme du pouce incliné vers le sol.— Je vois, si on a quelque chose, on vous contacte.
— Tu n’vas pas me contacter, pouffiasse, tu me redonnes mon dossier, mon curriculum et tout le bordel, vite fait, bien fait…
— Mais, enfin…
— Rien du tout, magne, avant que je te mette une patate dans ta gueule…

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La caresse acerbe de l'indigence sortira des presses courant janvier 2024.

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FODÉ MABINTY-CAMARA, Vivre ou SURVIVRE

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Les réfugiés font désormais partie de notre quotidien. Nous les croisons toute la journée. Ils nous servent au restaurant, construisent nos maisons, nos immeubles, livrent les repas. Les images de ceux qui périssent en mer méditerranée avant d’avoir pu tenter leur chance sont devenues banales.

Fodé Mabinty Camara est l’un d’entre eux. Il a survécu, mais lutte encore. Il lui a fallu une année pour arriver à La Rochelle. Il aurait pu disparaitre à jamais en de multiples circonstances, le sort en a décidé autrement.

Voici son histoire.

 

 

 

Extrait

L’ARRIVÉE

Novembre 2018, Gare de La Rochelle.

Photo couvertureDepuis un bon mois déjà, un mouvement quasi insurrectionnel perturbe la France. En prévision de la transition écologique, le gouvernement instaure une nouvelle taxe sur les carburants. Chez les gens de peu, une révolte incandescente gronde. Tous les petits revenus, des employés les plus modestes en passant par les chefs de petites et moyennes entreprises, se retrouvent sur les ronds points et menacent de monter à Paris.

La Rochelle, belle et rebelle, s’insurge également. Des barrages sont érigés devant les dépôts pétroliers de La Pallice, ainsi qu’aux entrées de la ville. Toute une tranche de la population, des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux, enfilent des gilets jaunes pour crier leur désespoir de fins de mois impossibles. À partir du 10, le porte-monnaie sonne creux, démontrant que le travail est mal rémunéré au regard de l’enrichissement de certains spéculateurs. La France retrouve des airs de Germinal.

Ce 4 Novembre 2018, Sœur Maria Assunta est en pleine réflexion. Elle se trouve au niveau de la Grande Horloge, monument bien connu des Rochelais. L’édifice date de l’enceinte primitive de la ville au XIIe siècle. Devenu inutile, on transforma la porte en beffroi, lui ajoutant une cloche et une horloge. Elle érige sa grande taille à quelques centaines de mètres de la gare.

Depuis quarante ans, la religieuse sert Dieu et les plus démunis. Pour elle, les choses n’ont pas vraiment changé ici-bas. Lorsqu’elle est arrivée de sa lointaine Italie, elle n’était âgée que de quelques années. Son père, fuyant la misère, connaissait déjà les bas fonds de ces villes industrielles dans lesquelles s’entassaient des familles entières. Le froid, la faim, la promiscuité terrassaient les miséreux. Elle se souvient de l’hiver 1954, rigoureux autant à Paris qu’ailleurs. Combien de sans domiciles sont morts de froid à cette époque ?

Son papa italien trouva un travail sans difficulté dans le nord de la France, au fond des mines de charbon. Hélas, un malheur en chasse souvent un autre, puisqu’il mourut prématurément de la silicose. Sœur Maria en garde un souvenir ému. Elle est autant Française qu’Italienne dont elle parle couramment la langue.

Depuis toujours, sœur Maria seconde les pauvres. Son sacerdoce ? Secourir ceux qui n’ont absolument rien. Des êtres humains sans toit, sans chaussures, sans même une pièce au fond de la poche. Des personnes démunies au point de ne trouver dans le tréfonds de leur mémoire aucune trace du dernier repas correct. Aujourd’hui, elle sourit un peu lorsqu’elle voit ces manifestations orchestrées par ces familles considérées comme la classe juste en dessous des privilégiés.

Alors qu’elle chemine, plongée dans ses pensées, un jeune homme vient à sa rencontre. Il parle très mal la langue française. Il est désespéré. Elle devine en lui une immense fatigue, physique en apparence, mais morale assurément. Cette ombre tremblante, en proie à l’incertitude, s’inquiète des jours à venir.

Il est mince comme une brindille exposée à tous les mauvais vents froids d’un novembre sournois. Malgré cela, sa mise est correcte. Son regard calme et paisible se dilue dans celui de la femme de cœur. Il ne fait pas la manche, cherche juste un peu de soutien. Il raconte sommairement. Cela fait un an qu’il est parti de chez lui pour arriver dans la cité maritime, épuisé. L’homme vient juste de débarquer du train en provenance de Bordeaux. Il a marché droit devant lui. Pour la première fois de sa vie, il a vu les trois tours de La Rochelle, a longé le vieux port et a remarqué la tenue portée par la religieuse.

Celle-ci devine la force vivace qui émane de l’étranger, sa volonté farouche de vivre malgré son dénuement.

Sœur Maria Assunta vient de croiser le chemin de Fodé Mabinty Camara.

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UN CADRE POUR LA VIE - DE SAINT-HERBLAIN À KAMPOT

QUATRIÈME DE COUVERTURE

 

Deux adolescents vivent à plusieurs milliers de kilomètres l’un de l’autre. Ils connaissent les mêmes rêves d’aventure et de sport dans des pays pourtant très éloignés culturellement.

Au début des années 1970, des circonstances exceptionnelles vont les rapprocher. Thierry, adolescent dilet-tante et rêveur de la région nantaise, n’imagine pas sa vie autrement qu’à travers sa passion, la course cycliste.

Lim, le jeune Cambodgien, pense rejoindre un pays moderne. Bruno, militaire de carrière, lui parle souvent de la France.

Mais des préoccupations plus graves - dramatiques ! - se font jour. L’intrusion des tristement célèbres Khmers rouges au Cambodge va provoquer un véritable bouleversement au sein d’une société insouciante profitant des « Trente glorieuses ».

Deux aventures parallèles à quelques milliers de kilomètres de distance...

Par quels caprices du destin leurs routes finiront-elles par se croiser ?

Couverture un cadre pour la vie alain tahet

PRÉFACE

Alain et moi, nous nous sommes connus à Nantes dans les années 70. Coureur cycliste débutant et passionné, il suivait les entraînements, les jeux cyclistes à l'école du Breil Malville et la préparation physique hivernale dont j'assurais l'animation dans un gymnase à Saint-Herblain. J'appréciais son sérieux et sa gentillesse, mais je ne connaissais pas grand-chose de lui, de son quotidien.

En juillet 2018, je relisais un courrier qu'il m'adressait à cette époque. Après une rapide recherche, je retrouvais sa trace du côté de La Rochelle. Ce fut une belle surprise après tant d'années. Nous avons pu échanger sur notre passé et je lui ai fait lire quelques passages écrits sur mes souvenirs cyclistes. Ce retour en arrière n'était pas pour lui déplaire. Il salua alors la mémoire de mon père, président du club pour qui il avait un respect sincère.

Il s'intéressa ensuite à mes écrits sur les douloureux moments vécus par mon épouse à l'arrivée en 1975 des Khmers rouges à Phnom Penh. Le Cambodge allait sombrer dans la tragédie et l'horreur. J’évoquais alors mon engagement pour venir en aide aux réfugiés du Sud-est asiatique et particulièrement les Cambodgiens de la région nantaise.

Passionné de lecture, Alain avait aussi l'envie d'écrire. Il l'a fait en me racontant un peu de sa vie et son parcours. Mais, il ne s'est pas arrêté là. Inspiré par notre passé cycliste et ce qu'il découvrait sur le Cambodge, il a imaginé la rencontre d'un jeune cycliste nantais, qui lui ressemble, avec un jeune sportif cambodgien. Il faisait ainsi le lien entre deux univers de vie, à la fois éloignés et différents, mais si proches sur le plan humain.

Alain a su imbriquer deux histoires humaines : une tragédie et une passion. Au-delà, une amitié était née, qui rapproche des êtres humains bien différents et qui donne l'espoir d'un monde meilleur.

Guy Audrain - orthoprothésiste -

Président de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Val-de-Marne.

Membre du conseil technique de l'enfance en danger (ALLO 119).

Membre de la commission communale d'accessibilité aux personnes handicapées du Plessis-Trévise (94)

EXTRAITS DU LIVRE

De Saint-Herblain à Nantes
Novembre 1970


Thierry pédale souplement, régulièrement, en dépit du manque de visibilité.
En ce mois de Novembre, la nuit est tombée depuis une bonne heure déjà. Bien qu'il soit équipé d'un éclairage, il ne voit pas à plus de trois mètres devant lui. La dynamo frotte sur le pneu arrière, alimente sa lumière, l'accompagne sur la route en
sifflant doucement.

Course 3

Thierry se trouve à présent sur un chemin vicinal, recouvert d'asphalte. La route étroite, non éclairée, est dépourvue de ligne médiane. Cette ligne jaune, continue ou discontinue qui, à l'instar des plongeurs autonome en eau profonde, est son fil d'Ariane, n'apparait plus comme précédemment sur la route départementale. Il se trouve sans repère.
Le voilà plongé pour quelques kilomètres dans la nuit noire avec pour seul secours le renfort du halo bien faiblard de l'ampoule logée dans le phare avant.

Course 4
Thierry s'amuse à accélérer. Il provoque immédiatement une intensité légèrement supérieure lui permettant de mieux y voir. Grisé par l'air frais de la nuit et le sentiment d'indépendance et de liberté, il se sent maître de son destin. Hors du monde, Thierry met ses mains en bas du cintre, fait le dos rond, redouble d'efforts.
L'imaginaire prend le dessus. Le voilà à la poursuite du belge échappé depuis quelques kilomètres. Il pilote la bécane qu'il utilise à chaque intersaison. Son vélo de course est remisé, graissé, suspendu pour l'hiver. Malgré tout, il se sent à son aise sur le demi-course à garde boue et pneus de ville. Quand reviendront les beaux jours, il ressortira la « Rolls », et avec celle-ci, pesant au bas mot quatre kilos en moins, équipée de boyaux ultras-légers, il volera au dessus de la route.
Quand il arrivera près du belge, il produira un démarrage assassin, sur le côté gauche. S'ensuivra une arrivée triomphale quelques kilomètres plus loin, bras levés en passant sous la banderole et sous la clameur du public.

Kampot, Cambodge
Février 1972

Cambodge
Il court à perdre haleine dans la forêt équatoriale composée à cet endroit d’un enchevêtrement inextricable de lianes et de racines imposantes. Les branchages griffent un visage déjà tuméfié par les coups reçus sans interruption depuis la veille. Pieds nus, dans la forêt, le souffle court, il trébuche encore une fois, s’étale de tout son long dans un buisson, incapable de se rétablir tant il est emporté dans une course désespérée. Personne ne semble avoir détecté son absence, mais il se relève comme projeté par un ressort et sans même prendre la peine de s’assurer de l’importance de ses nouvelles plaies, reprend sa fuite insensée.

Après une bonne heure de ce régime, celui d’un forçat évadé du bagne de Cayenne avec la meute aux trousses, Lim consent à s’arrêter brièvement au détour d’une sente. Il se trouve sur une saignée boueuse, la végétation tropicale forme deux blocs humides de chaque côté. Des troncs et des lianes emmêlés bruissent du cri et des lamentations, émises par des créatures, dont on ne sait que penser. Manifestent-elles leur joie ou la terreur d’habiter cet endroit sauvage et envoutant ? Les longues et monotones logorrhées répétitives paraissent exprimer des angoisses et des avertissements d’un danger imminent. Lim cherche à s’orienter.

Cambodge champsIl s’est enfui du camp où il était retenu depuis la veille, profitant d’un relâchement dans la surveillance dont il faisait l’objet. Bien qu’il ne soit pas surpris par l’étendue de la forêt, elle recouvre les deux tiers du Cambodge et il a déjà eu l’occasion de s’y confronter. Il ne reconnait pas cette coupure dans la forêt. Ce n’est pas un chemin, peut-être une taillée. Quoi qu’il en soit, il n’est pas passé là après l’arrestation. Après une marche de quelques heures, les soldats l’ont conduit dans leur refuge.
Un périple trop court pour s’éloigner loin de la route sur laquelle il a été fait prisonnier. Maintenant, il est perdu, sans doute a-t-il tourné en rond. Le jeune homme doit faire un effort pour ne pas fondre en larme.

"—Je ne vais pas me laisser abattre, calme toi, montre-toi digne de tes ancêtres."

Telles sont les pensées de l’adolescent qui se revigore de lui-même à l’évocation de sa famille, proche ou plus lointaine.

Région Nantaise
Février 1972


Le jeudi, c'est entrainement. Thierry retrouve Fabrice Letellier, Roger Le Seur, Philippe Ramus et André Babrit (récemment surnommé « montecoteapied »).
L'année précédente, en plein cagna, l'nfortuné André est victime d'une hypoglycémie sévère à la fin d'un entrainement de près de quatre-vingts kilomètres.

Course 2
Dans la côte d'Orvault, à quelques kilomètres de l'arrivée au Breil-Malville, il se résout à mettre pied à terre devant ses camarades. Il n'en peut plus. Le jeune cycliste arrive à la limite de ses forces. Depuis, à son grand désarroi, le surnom est resté. Pourtant, André, hormis cette défaillance, n'est pas le dernier à envoyer du
bois quand l'occasion se présente. Il a déjà gagné une belle course.
Le creux de l’hiver a été consacré à la culture physique avec Louis en semaine.
Chaque dimanche Thierry et ses camarades faisaient de longs footings dans le parc de la Chézine. Désormais, le vélo reprend ses droits.

En ce mois de février, la saison n'est pas commencée. Les jeunes se
préparent déjà pour la première compétition. Ils sillonnent la campagne nantaise, traversent des villages endormis par l’hiver. Le sport cycliste est populaire dans la région. Personne ne s’offusque de ces groupes fournis de sportifs lancés à vive allure sur les routes départementales. Les petits bourgs ont pour noms : Orvault, Sautron, Vigneux de Bretagne, Saint-Étienne-de-Montluc, Treillière, Cordemais, Boué, Malville.
Après trente kilomètres, tandis que les anciens partent pour une boucle de soixante de plus, un groupe d’une dizaine de novices prend le chemin du retour. Fernand Labuise, un ancien amateur « première catégorie », cinquante ans, sage parmi les sages, se charge de l’encadrement. Bien connu des jeunes de quinze et seize ans qui abordent la catégorie « cadet », il n’a pas son pareil pour tempérer les ardeurs belliqueuses des jeunes coqs. Souvent moqué, pour sa petite taille, des cuisses courtes mais énormes c’est un personnage attachant connu pour l’usage sans modération d’un sifflet d’arbitre de Football. Il n’en inspire pas moins un grand
respect de la part de débutants tous justes sortis de l’enfance. Sa longue expérience lui permet de gérer les entrainements en parfait « Capitaine de route ». Lorsqu’il lui arrive de détecter les signes imperceptibles de souffrance et de détresse trop importantes parmi ses ouailles, il s’interpose sans hésitation pour faire ralentir l’allure. Une belle humanité le rend soucieux d’éviter les gros dégâts, physiques ou psychologiques.
Ce jeudi-là, à son grand désarroi, il n’y parviend
ra pas…

Kampot, Cambodge
Juin 1972

Une nouvelle confrontation se produit quelques mois plus tard avec les soldats. Les adultes sont aux champs à l'exception de la grand-mère, des jeunes enfants et de Bean qui est resté couché (la veille il avait abusé de l'alcool de riz). Sok, la dernière-née, âgée de trois ans, joue dans la cour. Elle s'amuse à semer la pagaille dans une colonie de fourmis avec un bout de bois. Cinq soldats, à moitié dépenaillés,
surgissent du côté de la cabane à cagettes. Manifestement ils sont en goguette. Un gamin revêtu d'un treillis trop grand ferme la marche, il n'a pas plus de quatorze ans. Ils s’approchent au plus près de l'entrée, juste devant l'enfant, agenouillée.

Enfant soldat
— Dis donc, la gamine, c'est dangereux de jouer toute seule en plein milieu de la journée…
Sok se met immédiatement à pleurer à chaudes larmes, effrayée par les cinq militaires qui portent tous un fusil.
La grand-mère sort aussitôt sur le pas de la porte principale de la propriété. Sahun a la réputation, tout comme sa fille Soan, de n'avoir ni froid aux yeux ni la langue dans sa poche. Du haut des quelques marches, elle interpelle la petite troupe :
— Qu'est-ce que vous voulez, bande de vauriens ? Vous n'avez donc rien d'autre à faire que trainer les rues et effrayer les petites filles ?
— Regardez-moi ça, la petite et la vieille, voilà ce que les paysans ont laissé pour garder la baraque ! Pendant ce temps-là, ils font quoi, les autres ? Ils engraissent les cochons, pour s'en mettre plein la panse, alors que les vrais héros crèvent de faim ! C'est ça non ?
Le plus âgé du groupe a parlé. Les autres, un peu en retrait, ricanent. Khang et Kheng apparaissent derrière les jupes de Sahun.
Le groupe avance. Il arrive lentement au pied des marches de la maison. Après un temps d’arrêt durant lequel celui qui parait être le chef toise la vieille dame, ils entrent en la bousculant sans ménagement.
— Tu vas te rendre utile pour une fois et nous dire où vous cachez votre trésor. C'est pour la cause. Nous, on n'a pas vos moyens, on mange aussi. Dépêche-toi si tu n’veux pas qu'on casse tout ! On pourrait emmener la gamine aussi. À cet âge-là, on lui ferait son éducation. Comme ça, elle ne sera pas tordue comme vous, elle commencera dans la vie avec les idées pures.
— Espèce de gros bêta, tu ne me fais pas peur ! Tu mériterais des coups de bâton ! Tes parents ne t'en ont pas assez donné, on dirait ! T'es pas de la province de Kampot, toi, je n’t'ai jamais vu… pas comme celui qui se cache derrière toi, je le connais. C'est le petit Sorpheny… Que fais-tu là au milieu de ces bons à rien ? Les
gens de ta famille, pourtant, sont des amis et des gens courageux ! Tu n'as pas honte ?

Date de dernière mise à jour : 08/01/2024