Jean-Pierre CRÉTEL
Jean-Pierre CRÉTEL
Constamment dans le doute de son talent, rarement pleinement satisfait de ses vers, Jean-Pierre Crétel, d'une écriture patiente, élabore son cheminement poétique.
Guy d’Arcangues en disait toute sa sympathie, qualifiant l’œuvre de J.-P. Crétel comme « poète impressionniste » pas meilleur qu’un autre, mais écrivant comme personne. Affirmons donc sans ambages qu’un excellent poète écrit, poétise comme aucun autre.
Depuis 1959, cette mer de doute toujours recommencée, baigne les plages de son perpétuel questionnement. Comment faire ressentir la véracité vivante d’une lumière, d’un son, d’un lieu, d’une époque ? Comment faire surgir, dans le cerveau du lecteur, l’image qu’il est nécessaire de bâtir pour bien ancrer son récit dans l’espace et le temps ?
J.-P. Crétel reconnaît quand même que dans ce tumulte de mer, il lui arrive de décrire les sensations qu’offre, généreuse, la nature, le visage des villages où s’exprime le simple.
Le cri du goéland
Raye la plage ce matin
À travers les nuages
Et les remous marins.
(ext. Partant de toi)
Il croque avec la même gourmandise, les gens qu’il croise dans les trains de banlieue si longtemps pratiqués, le corps souple d’une jeune femme entrevue dans un bar ou tout le raidissement de ce vieillard assis sur ce banc de jardin. La grâce qui rayonne du regard d’un enfant, l’élégance naturelle d’un très beau port de tête.
Vous portiez un chemisier frais
Une jupe à fleurs, élégante
Dont la taille vous serrait de près
Vous faisant la gorge accueillante
(ext. Le chemisier)
Et on ne peut que partager cette gourmandise-là. Ces paysages, ces personnages, sont aussi autre chose que des vers descriptifs ; ils sont vivants, ils existent, on les reconnaît. Ils sont notre environnement, nos voisins, des amis, des comme nous en ce qu’ils ont d’universel.
Cet art de la description, teintée des couleurs vives du printemps ou flamboyantes des automnes, pousse vent arrière, vers des horizons toujours nouveaux qu’il faudra bien atteindre. Cet art lui permet donc de restituer avec délicatesse souvent, avec violence parfois, l’accent d’une vérité, d’un geste, d’une image que les gens reconnaissent. Il tient surtout, et ceci explique cela, aux regards qu’il porte sur le monde et l’écoute. L’observation des choses qui passent est une chose commune à chacun d’entre nous mais rendre avec acuité, justesse et élégance ces même « visions » en est une autre qui s’appelle le talent.
Se penser écrivain est une chose mais la vie à rebondissements de Jean-Pierre Crétel devait en décider autrement. Néanmoins, on retrouve un premier recueil incluant la période de 1959 à 1973 pour L'EMPREINTE.
Des rencontres fortuites en 1962 avec Jean Cocteau à Paris et le compositeur interprète Jacques Douai à Cap d'Ail en 1963, l'encouragent à poursuivre son travail d'écriture.
Deux nouveaux recueils voient le jour entre 1976 et 1991. Toutefois, il faudra attendre sa rencontre avec Josyane de Jésus-Bergey en 1994 pour qu'il bascule et consente à faire connaître ses textes. Dès lors, il collabore au "Moulin de poésie" de Saintes jusqu'en 2005 et participe à l'anthologie de "Charente, j'écris ton nom" préfacée par Claude Roy aux éditions "le croit vif" en 1996.
Il rejoint l'Union Régionale Culturelle du Bourbonnais-Auvergne par le biais de "La forêt des 1000 poètes" qui lui ouvre aussi les pages de son anthologie aux éditions Arionis en juin 1994.
L'atelier de Cognac où officie Jean Trémer le sollicite pour sa nouvelle anthologie intitulé "Migration" qui verra le jour en 1997.
La qualité de ses textes l'amène en 1995 à la revue Les Nouveaux Cahiers de l'Adour à Bayonne où il croise dans les pages, Guy d'Arcangues. Les NCA font paraître ses textes dans leur revue jusqu'en 2004.
Les recueils s'enchainent et pas moins de quatorze titres émergent entre 1965 et 2013. Treize nouvelles viennent divertir, avec entres autres : Entre les lignes en 1965, Portation & Edition (1994), et Les livres & Bahbka (2012), L'ambition révolue (2013) suivies par Les 5 Grands (2014) mis en scène à l'exposition de Chermignac. Trajectoire Pauline et L'inconnu du bar en 2017.
Le recueil La page tournée en 2014 marque une rupture et Bouffée d'air en 2015 expriment un renouveau. Son œuvre s'étale sur plus de soixante ans et reflète la diversité, l'itinérance de son parcours et en même temps l'unité d'expression comme une ambiguïté entre signes et lumières, sons et couleurs, mots et images, donnant raison à Guy d'Arcangues pour sa qualification de "poète impressionniste".
Enfance, ma belle enfance
Dans Paris d’après-guerre
Où toutes les espérances
Ont la couleur de l'air.
Quelle drôle de musique
Remonte à ma mémoire
Et sent bon l'encaustique
De nos vieilles armoires.
(ext. Paris, années 50)
Les chemins de la mémoire empruntent les tracés invisibles de la création et se déclinent dans l'analogie entre les mots et les sons qu'ils produisent, les couleurs qu'ils évoquent, la lumière qu'ils diffusent. Toutes ces choses, comme en attente d'écriture. Ces évocations confèrent à l'œuvre, une permanence, une certaine intemporalité. Ce n'est pas la précision des idées, non plus que la virtuosité du langage qui forme l'image qui invite à respirer l'identité de chacun de nous, dans les limites fragiles d'un souvenir, d'une sensation, d'un plaisir ou d'une émotion. Ces rencontres formelles, inattendues, parfois troublantes par ce qu'elles éveillent, nous invitent encore sans doute à aller chercher plus loin et plus profondément, ce qui motive et contient cette création, à la toucher du bout des doigts pour mieux encore la singulariser. Il écrivait récemment :
" La confrontation avec d'autres écrivains ou poètes, fait surgir en moi le désir de créer. Les mots fusent en un feu d'artifice, jaillissent d'assemblages quelque peu improbables ou d'éléments inattendus; cela féconde l'ensemble d'une réalité qui se conjugue comme un bouquet de fleurs. Une manière plus fluide de voir et de penser, de saisir autre chose."
"j'écris des vers pour évoquer mes époques et d'autres choses en d'autres vers. Je ne suis pas écrivain, je fais la poésie, les vibrations du vent, je fais la douleur et la douceur, je fais la lumière et la couleur des mots".
Guy d'ARCANGUES
CISAILLER DU ROCHER
EXTRAITS DU RECUEIL
À vif
Dans l'épaisseur brumeuse
De détours sournois
Les rêves ne sont plus
Pour effacer l'enfer.
Des phrases à échardes
Toutes piquetées de ronces
Où des voix déchirées
Ornent des barbelés.
Elles échappent à l'effroi
Qui glace et brûle tout,
Avec la précision
Acérée des rasoirs.
Liberté…
À quel prix ?Ah oui, la Liberté !
Mais à quel prix parfois
Faut-il aller vraiment
Pour se l'offrir en grand ?
Même pour le verbe aimer
C'est souvent contraignant.
Plus encore si l'idée
Est aussi la tendresse.
J'aime payer comptant
Presque avec largesse
Cet extrême plaisir
Qui nous rend bienveillants,
Et comme j'ai souvent dit
Pour un même retour ;
Donner est tellement mieux
Que toujours recevoir.
En fait, la Liberté
N'a pas de prix souvent.
Elle se prend, elle se donne
Elle est au gré du vent...
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Jean-Pierre Crétel : 1, chemin du Plantis, 17100 LE DHOUET
Mail : jpcretel17@orange.fr
LA TÊTE DANS LES NUAGES
Avec ce troisième recueil, Jean Pierre Crétel reprend la valise du rêve et nous convie pour un nouveau voyage.
Cette plongée nous entraîne dans sa très heureuse enfance jusqu à notre époque quelque peu bousculée.
Toujours bien conscient de la réalité, Jean-Pierre pose sans nostalgie un regard éclairé et poétique sur le monde qui nous entoure :
« Empreintes de pieds
Sur la plage promènent
Un défilé de vagues »
Le lecteur l’aura bien compris : il trouvera sur les marches du temps la sagesse de ses souliers vagabonds...
EXTRAITS DU RECUEIL
Frontières
Des mots en frontières,
Acérés de larmes dures
Coupants de ruptures
Brutales de barbelés.
Une frontière de mots
Assaillante de liberté,
Bâillonnant les civils
Simplement insurgés.
Passeports périmés
Au banc des accusés
Dans le box bancal
De juges à la baguette.
Frontière du geste
Qui finit au fossé
Avec le corps criblé
De mensonges aux fusils.
Des frontières à mourir
En des gestes d’impasses,
Figés, rivés au seuil
Des idées verglacées.
Frontière de pouvoir,
Toi tu peux mais moi pas !
Je respire tes grenades
Et tu entends mes cris.
Frontières du trop tard
Qui nous jettent hors d’haleine
Dans toutes nos émotions
Et nous baignent de larmes,
Comme une dernière fois.
Les étagères poussiéreuses
Les mots ouvrent l’espace
Où sont tous nos écarts ;
Et dans la même ivresse,
Même l’eau de la rivière
A des risées de froid.
Mes souvenirs prennent la poussière
Sur l’étagère de ma mémoire
Mais le temps n’abîme pas
Nos premiers enthousiasmes.
Mes livres de jeunesse
Traversent les années
Dans la clarté totale
Où les Trois Mousquetaires
Galopent dans la campagne,
Quand la Vipère au Poing
S’apaise avec le tour
De La Mort du p’tit Cheval !
Un mouvement infime
Casse les certitudes ;
L’effondrement du temps
Ravive l’évidence.
Rien n’est vraiment tragique
Dans le désespoir déguisé
D’une dimension cynique,
D’une lente confusion.
HAÏKUS
L’iris des yeux
Couleur de sable
Éparpille le soir
§
Regard pesant, brisé
À bras tendus
Soumission de douleur…
§
Les amours
En mots anciens
Profondeurs de chair.
§
Une pluie d’étoiles filantes
Griffait le ciel de nuit
De leurs traces d’argent.
§
Le fleuve passe tranquille
Miroirs et reflets
Beautés éphémères
§
Petits bateaux blancs
Mille lentilles d’argent
Nuages captifs
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SENTIERS DE TRAVERSES
Si vous demandiez à Jean-Pierre Crétel dans quel domaine il se sent le mieux, il vous répondrait naturellement : la poésie !
Avec une musicalité qui accompagne chacun de ses poèmes. Elle vous pénétre et vous imprègne de l’importance des mots choisis, des thèmes abordés, éclectiques.
Elle donne à voyager en gardant près de vous la valise du rêve et de la réflexion, belle philosophie qui suggère au poème de sortir du carcan du livre.
Jean-Pierre Crétel livre là son premier recueil : pourtant, plusieurs décennies de pratiques l’ont déjà porté au rang de maître du vers !
QUELQUES POÈMES DU RECUEIL
" Juste s'abandonner "
Il faut s'abandonner
Et perdre ses repères
Pour garder un œil neuf,
Un état disponible.
On s'use trop le regard
Sur des jours d'habitude,
Des heures utilitaires,
Prévues, banalisées.
Il suffit d'une rencontre,
D'amour ou d'amitié,
Une aventure folle
Pour découvrir l'autre.
Où l'on peut tout donner
Alors que rien n'arrive.
C'est un rien merveilleux
Qui fleurit tout soudain.
Une goutte de rosée
De ce matin du monde
Et qui offre à mes sens
Le plaisir de comprendre.
" L'espoir d'une envie folle "
Je ne me satisfais pas
De l'agonie du jour.
Il faudrait qu'il survive
Aux querelles des heures
Et aux couleurs du soir
Qui semblent abandonnées.
C'est mon plaisir du rien,
Mon exigence du peu
Qui ramène du fond
Tous les gestes du monde.
Mais je ne vois pas si loin,
Juste au bout d'un regard
Où les routes sinueuses
Recèlent aussi mes rêves.
La nuit ce soir invite
Un instinct d'exister
Dans l'instant égaré
où figure l'envie folle.
Que j'aimerais encore
Ce bout de liberté
Sur la crête du mur.
" Prémices d'automne "
Le vent gonflait les draps
Tendus aux fils à linge
Tout au fond du jardin.
Septembre lentement
Faisait valoir ses droits
Et les bûches dans l'âtre,
Craquaient des étincelles.
Au loin, un ciel de traîne
De nuages à pas lents
Allaient sans hâte lire
Dans les ratures du ciel.
La colline se cassait
Juste au ras des lumières
Comme un regard blessé
Sur le matin bleuté.
Les chats, la griffe lasse
Tournaient entre mes jambes.
Il faisait bon dedans
Une tasse pas loin.
Et je restais figé
Les deux mains dans les poches.
Parfois... les vagues
Si Jean Pierre Crétel livre dans ce deuxième opus une plus grande part de lui-même, c’est dans sa pensée intime qu’il nous convie.
Pourtant, au travers de ses textes, d’une belle poésie, une grâce demeure dans la façon de dire avec ses mots à lui, la tendresse qui passe.
Une nostalgie parfois fait émerger avec ses bruits, ses cris, des colères éloquentes, des époques plus fantasques comme un « mai 68 ». Son regard lucide sur le monde ne nous fait pas oublier pour autant l’espoir que la jeune génération suscite.
En lisant cet opus, l’histoire de cet homme conscient de sa faiblesse raisonne en nous. Elle porte sa vérité avec sa poésie toute particulière.
Quelques poèmes du recueil
" Rien n'est trop "
Rien n'est trop,
Pas même le goût du sel
Ou l'odeur de la rose.
Tout est beau !
J'aime ces frais matins
Où le soleil câline
Doucement les terrasses
Et fait briller la mer
Jusque sous l'horizon.
Mon temps ne passe plus,
Je voyage de vent
Et de couleurs exquises
Entre l'eucalyptus,
Le jaune mimosa.
Enfin tout alentour
Les pins craquent et répandent
L'odeur des aiguilles.
Les sèves résineuses
Mêlent encore leurs effluves
Aux treilles des glycines.
Sous le soleil qui monte,
Le sable de la dune
S'éclaire de points en places
Jusqu'à devenir blanc.
Rien n'est trop,
Pas même la vue du ciel
Quand mon rêve voyage
Et qu'il fait toujours beau.
" Pour un lever de jour "
J'aime cette heure tardive
À l'orée du matin,
Quand la neige récidive,
Que nos rêves balancent,
Et que la nuit enfin
Se chausse de silences.
. . .
Et quand furent épuisés
Tous nos embrassements,
Au creux de ton épaule,
Mes lèvres sur ton sein,
Je m'endormis serein
En un battement de cil.
(photos : Annie Brunetot © tous droits réservés)
« Sans colère et sans haine »
Le temps a étendu, j’ose croire à dessein
La mousse de l’oubli aux bords de mes chemins
Tant la vie m’a meurtri, tant le cœur m’a saigné,
Que je peux voir ma peine encore à mes poignets.
J’ai avec les torrents, sombré dans mes rivières
Raclé tous les cailloux d’innombrables gravières
Griffé tant de brouillards dans des halos diffus,
Que j’n’sais plus mes maux, tant sur moi ils ont plu.
Dans le flou remuement de gestes qui s’effacent
S’effilochent au vent comme des ombres qui passent,
Quand mes pas de granit ne laissent plus d’empreintes
Sur d’abruptes falaises de plus en plus déteintes.
Rien ne retient plus rien, pas même l’évidence
De tendre encore la main comme une simple clémence
Pour un rêve jauni qui aurait persisté
Et devient transparent à force d’exister.
Le temps a étendu, sur mes plaies et mes peines
La mousse de l’oubli et des vengeances vaines
Jusqu’à mes horizons où enfin des lueurs
Tracent en moi sans raison, de bien curieux bonheurs.
" Sans virgule, sans escale "
Mémoire de tous nos rêves
Et de tous nos espoirs
L'Histoire berce sur nous
L'enfant à inventer
Ses brûlures et sourires
Qui germent du cristal
Que le matin recueille
Sur des mousses violettes
Où l'odeur de la Terre
Chante dans les rivières
Sur les petits cailloux
Aux creux des mains d'enfants
Dans un coin de mémoire
Peuplé de ricochets
Et du goût du bonheur
Les pieds dans les luzernes
De ces matins d'été
Quand les épis de blé
Dansent avec le vent
Jusqu'au silence du soir
Où la mémoire des rêves
Et de tous nos espoirs
Passe de main en main
Comme un cadeau de noces
Qui embaume la vie
Au loin du temps qui marche.
Date de dernière mise à jour : 24/10/2024