Annie BRUNETOT
Annie Brunetot
" VA VOIR LÀ-BAS SI J'Y SUIS"
Va voir là-bas si j'y suis est un recueil de nouvelles.
Annie Brunetot y partage ses expériences passées et leur transformation au fil de sa vie ; l'enjeu consiste ainsi à dire le lien entre faits, gestes ou décisions séparés par des décennies.
Et c'est dans ce lien que se trouve le sens.
Autrement dit, une véritable histoire de transclasse.
VA VOIR LÀ-BAS SI J'Y SUIS
Quatrième de couverture, selon l'éditeur
Va voir là-bas si j’y suis
Annie Brunetot
Cinglant… c’est le terme qui me vient à l’esprit lorsque je lis les textes d’Annie Brunetot. À l’image du titre, le ton est donné. L’autrice nous ouvre les volets de son existence. De biscuits enivrants au baiser du soir oublié, de la bouillotte cabossée à la boussole déboussolante, des péripéties estudiantines à l’exercice de l’enseignement, de sa vie de femme meurtrie à l’artiste qui sommeille et se révèle, rien ne vous est épargné.
Une phrase résume parfaitement l’esprit de ce recueil de pensées, phrase qui ponctue son texte « Le baquet » : « Se nettoyer le regard pour ne plus se rincer l’œil ». Pourtant, cela ne ressemble-t-il pas à une volonté d’exacerber la curiosité naturelle qui est en nous ?
À lire absolument. Vous réfléchirez après.
EXTRAITS
LES BISCUITS ROSES
À la table familiale, au moment du dessert, nous trempions dans du vin rouge ces gâteaux d'un rose franc. Pour les enfants, le vin était coupé d’eau.
Il y a quelques années, j’ai retrouvé ma timbale en argent et j’ai tenté de reconstituer cette saveur particulière, de même que la consistance du biscuit ainsi trempé. J’y étais presque. J’avais trouvé au rayon épicerie fine, un beau sachet de cellophane imprimé contenant une pile de trios de biscuits impeccables.
Rien à voir avec les sacs en papier blanc d'un kilo, du deuxième choix, que j’allais chercher à la biscuiterie. Pour cela, je grimpais la rue le long de la basilique, jusqu'à la rue des Créneaux, avec mes huit ou dix ans et vingt francs en poche par sac - des francs d’avant le nouveau franc - pour revenir avec un ou deux kilos pour nous, plus un pour la voisine. Du dessert en perspective ! Quelquefois dans la bonne humeur, plus souvent dans le silence imposé par le feuilleton radiophonique: « ça va bouillir de Zappy Max ! » qu'écoutait mon père.
Alors dans ce silence, je prenais mon temps. J’appliquais ma langue sur la fine pellicule blanche qui recouvrait ces biscuits. Tout en laissant s’amplifier dans ma bouche la saveur purement sucrée, je contemplais les dessins ainsi formés par le sucre à peine fondu. Ébauche de gravure?
Depuis quelque temps dans les médias, on parle davantage de ma ville natale : Reims, Reims et le sourire de son ange.
Tout récemment à la radio, j’ai entendu l’annonce d’un festival culturel, programme détaillé sur « trois w les biscuits roses point... ».
J’ai éclaté de rire dans ma cuisine, rire de bonheur de savoir la transformation des biscuits de mon enfance vers le culturel.
Un célèbre chimiste n’a-t-il pas énoncé « Rien ne se perd, tout se transforme » ?
LES ATELIERS, LES PREMIERS
Avec mes changements de domicile, l'atelier n'a pas toujours eu le même aspect.
Séjour de l'appartement à Noisy avec sa moquette gris clair d'origine. On passait directement du palier au séjour, pas d'entrée. Cela amenait le nouveau visiteur à interroger « vous êtes en travaux ? ».
Puis ce fut un véritable atelier à Vitry, grâce au prix Jeune Peinture. Suivit la concrétisation de mon rêve sous la forme d'un atelier-logement à « la fontaine au roi », rêve éphémère puisque le voisinage généré par une association de relogement en a fait pour moi un lieu d'enfer. Au passage, c'était un drôle de paradoxe à vivre pour quelqu'un ayant vécu ses douze premières années dans un quartier de taudis.
Après avoir rétabli un peu les finances, j'ai loué un presque deux pièces au 3e étage au dessus d'un restaurant «le temple céleste» qui, entre autres, nourrissait des armées de blattes. Un épisode, donc sans atelier, mais à proximité du BHV, le bazar de l'hôtel de ville ! Une institution.
Je m'y suis offert de longs séjours, rien que dans le sous-sol. Pas de belle verrière, mais sous les néons, un grand espace avec ces stands et leur vendeur ou vendeuse bien investis dans leur tâche. Je me souviens de l'une d'elles. Y travaille-t-elle encore? Si c'est le cas, je recommande, elle connaît parfaitement le diamètre des vis et pitons qui s'agglomèrent dans chacune des cases du comptoir-présentoir ; elle sait les têtes fraisées, les zinguées, celles pour la tôle, auto-perforantes. Sur sa petite estrade, elle règne avec bonheur, séparée des clients par cette multitude de petites unités de métal divers, blanc ou doré, rangés méthodiquement par catégorie.
Elle sait d'un coup d'œil évaluer les dix écrous, taper d'un doigt rapide sur la petite caisse enregistreuse, ouvrir le plastique fin d'un sachet pour y glisser ticket et clone de clous. Un sourire aimable de temps en temps pour le client, surtout si c'est un homme jeune, pas trop jeune quand même, qui lui demande conseil. Par contre c'est un renvoi vers la caisse centrale pour le genre casse pied tatillon.
Quelquefois, le lundi après-midi notamment, c'est un peu calme, pas grand monde en mal de bricolage. Elle ne peut pas se mettre à psalmodier « qui veut mes clous, mes clous et mes écrous ? J'ai de beaux pitons et de la tige filetée, de la belle tige filetée de quatre. Y'en aura pas pour tout le monde... et mes chevilles, vous avez vu ces chevilles, spéciales suspension, spéciales plafond, de la cheville Molly aussi. Allons, ne mollissons pas, dépêchons, du laiton, rien que du laiton pour ces crochets X, des vis au pas, des rivets à piston, des crochets à vous suspendre le souffle, des têtes d'homme au cent ». C'était du bonheur pour moi. Entre autres, je lui ai acheté des clous, il m'en fallait 169 (13x13) pour un panneau sur lequel je voulais fixer des sucettes rondes, déballées bien sûr. M'intéressait alors l'opalescence du sucre coloré. C'est sur la moquette au pied de mon lit (sans pieds, c'était juste le matelas) que j'ai préparé ce panneau, ainsi que les autres pièces pour l'espace qui m'était attribué. Et puis le jour venu, j'ai appelé un taxi pour emmener le tout à l'espace Eiffel Branly où se tenait le salon. Le chauffeur a pris soin sans trop d'étonnement de ma planche pour fakir 1m x 1m avec ses 169 clous, pointe en l'air, pour accueillir chacun une sucette. Exposition en hiver, avec l'humidité sous ce grand chapiteau, le sucre a un peu fondu formant une goutte pour chacune des sucettes « les larmes sucrées de Chupa von...».
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VA VOIR LÀ-BAS SI J'Y SUIS d'Annie BRUNETOT est à réserver directement auprès d'Annie Brunetot à l'adresse suivante : 1, rue du Plantis 17100 LE DOUHET Prix : 16€ - Si vous souhaitez recevoir votre exemplaire par la Poste, rajoutez 4,90€.
Pour communiquer avec l'autrice : anniebrt@orange.fr
Date de dernière mise à jour : 28/10/2024