Sur la plage, abandonnée

Charlotte, jeune gendarme affectée à la brigade de Fouras en Charente-Maritime, a un réveil difficile… Son repos bien mérité est gâché par un coup de téléphone ressemblant plus à une tornade qu’à une belle brise d’été… Un cadavre sur la plage, l’affaire est grave, pas une minute à perdre !

L’enquête ne se montre pas aisée à diligenter… un chef acariâtre, une collègue intrusive, un amant mystérieux… comment faire surgir la vérité lorsque tous les éléments se liguent contre elle ? Malgré tout, notre enquêtrice persévère, car un détail quand même la pousse à résoudre cette énigme…

Un détail… oui, un simple, infime, minuscule détail qui fait toute la différence… Pourquoi cette jeune femme retrouvée sans vie sur la plage lui ressemble-t-elle tant ?

Le ciel est gris. Un temps à rester au lit, un temps à rêvasser.

Charlotte s'étire, savourant la douceur des draps sur son corps dévêtu. Elle a posé sa journée sur un coup de tête avec l'envie de prendre du temps pour elle.

Une odeur de café flotte dans l'air. Elle provient certainement de l'appartement de son voisin et ami, Alexandre. Un coup d’œil à son réveil ; il est presque dix heures. Il doit être parti travailler depuis au moins deux heures.

Elle sourit au souvenir de la conversation qu'ils avaient eu la veille. Il lui avait annoncé d'une voix teintée d'émotion et de fierté qu'il avait acheté son local et allait être enfin son propre patron dans sa boutique d'antiquités.

L'évocation du patron la fait grogner.

Le sien avait été d'une humeur massacrante ces derniers jours, toujours quelque chose à redire sur son travail : elle s’égarait selon lui dans des questions inutiles durant les interrogatoires et ses comptes-rendus étaient trop détaillés...

« Les faits ! Les faits !!! » Voilà ce qu'il lui martelait tout au long de la journée. En attendant, c'est bien grâce à son souci du détail qu'elle avait résolu sa dernière enquête. Mais ça, l’adjudant-chef Antoine Choret ne le reconnaitrait jamais.

Elle sent de nouveau cette tension au niveau de la nuque. Assez !  Elle n'a pas posé une journée de repos pour ressasser. Une douche chaude devrait la détendre et elle serait prête à faire du tri dans les livres récupérés chez ses parents.

Entrant dans la salle de bains, elle allume le robinet de la douche et s'observe dans le miroir. La silhouette nue face à elle lui rappelle bien ses trente-quatre ans. Elle se regarde d'un œil critique : finie la souplesse de la peau, quelques cicatrices la marquent désormais. 

Charlotte passe sa main sur sa poitrine déclenchant un frisson. Depuis quand n'avait-elle pas senti la caresse d'une main d'homme sur sa peau ? Il y avait bien eu ce type dont elle avait oublié le nom rencontré dans un bar, il y a quelques semaines. Mais l'étreinte sous la porte cochère n'avait été que pour assouvir un besoin animal, une question de survie presque.

Elle doit se rendre à l'évidence, elle ne parvient pas à oublier Vincent. Elle se souvient encore de l'effet que faisait son odeur sur ses sens et de la façon à la fois tendre et avide qu'il avait de lui mordiller le cou.

Elle pousse un soupir et se glisse sous la douche laissant l'eau s'écouler sur elle. Alors qu’elle se rince, la sonnerie du téléphone fixe résonne dans l'appartement. Qui donc peut encore appeler sur cette ligne ?

Cet appel semble insistant et même impérieux.

Avec un froncement de sourcils, elle attrape sa serviette, s'en entoure et va décrocher le combiné.

À peine celui-ci décroché, elle entend un flot de paroles s'apparentant plus à un aboiement qu'à des mots intelligibles.  Nul doute quant à l'identité de son interlocuteur...

— Bonjour, mon adjudant-chef ! Que me vaut le plaisir de votre appel ?

Alors que je suis en repos, aurait-elle aimé ajouter.

— … Annuler votre jour de congés... ne pas pouvoir compter sur son équipe... Où donc est passée cette empâtée ?  Un corps retrouvé sur la plage... Résultat, vite ! ...devriez déjà être là-bas. 

Puis, soudain un « bipbip » qui retentit.

Abasourdie par ces mots, à mille lieux de cela, la jeune femme réalise que sa journée de repos est terminée sans avoir vraiment démarré.

Retenant quelques grossièretés qu'elle se sait incapable de prononcer devant son supérieur, elle retourne dans la salle de bains pour finir de s’essuyer. Elle enfile sa tenue de service, regrettant de ne pouvoir rester en jogging.

Elle avait prévu de regarder la pile de livres que sa mère lui avait prêtée et de débuter la lecture de l’un d’entre eux, choisi selon l’inspiration du jour. Voilà qui était fichu !

Passant dans la cuisine, elle soupira à la vue du pot de miel et du pain complet dont elle ne pourrait pas profiter. Elle attrape une banane qu’elle jette dans son sac et claque la porte de son logement après avoir récupéré son arme de service.

Au moment de démarrer son véhicule, elle réalise qu’elle n’a ni son portable professionnel ni son équipement. S’il lui arrive de l’emmener lorsqu’elle est en permission, elle s’était dit la veille que pour un seul jour ce n’était pas nécessaire de s’encombrer.

Forcément, l’unique fois où elle ne le prenait pas, Antoine l’appelait pour la faire revenir…  Il ne lui avait d’ailleurs pas précisé à quel endroit se rendre. Non, se reprend-elle. Je ne lui ai pas demandé. Évidemment, cela ne peut être que sa faute. Le chef ne se remettra pas en question.

Elle va donc se rendre prestement à la gendarmerie de Rochefort. Charlotte ne résidait pas sur le site de la brigade comme les autres.  Elle devait pouvoir y être dans les meilleurs délais à tout moment.

Elle le sait, y passer sera signe de non professionnalisme pour son chef. Un gendarme se doit d’être prêt à tout. Elle n’a pas de doute sur la question.  Elle va encore une fois le décevoir.

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Bs sur la plage abandonnée - Cécile Robin

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